Petit comparatif des dispositions fiscales encadrant le mécénat

Les traditions historiques de chaque pays permettent de mieux comprendre les politiques qui sont menées actuellement par les gouvernements, et les dispositifs qui régissent le mécénat. Deux traditions s’opposent : celle des pays connaissant un État central fort,  la culture étant une des préoccupations ; et au contraire, celle des pays où l’État central est plus faible, dont les bases sont souvent plus libérales, tendant à encourager les initiatives individuelles, plutôt qu’à mettre en place des politiques publiques.

L’Italie vient de voter une nouvelle loi concernant le mécénat culturel et plus généralement la protection de son patrimoine et l’encouragement du tourisme. Mécénat conseil vous présente donc aujourd’hui un comparatif des dispositifs qui régulent le mécénat dans différents pays d’Europe, Allemagne, Italie, Espagne et Royaume-Uni, ainsi qu’aux États-Unis. Cet article se concentre essentiellement sur le volet culturel du mécénat, notamment dans son approche historique, puisqu’il s’agit de la pratique la plus ancienne, mais les systèmes présentés s’appliquent à toutes les autres formes de mécénat, sport, solidarité, environnement, recherche…

Le mécénat : apanage du pouvoir.

Tout d’abord, il faut remonter aux débuts du mécénat pour comprendre les traditions des différents pays, et les politiques qui peuvent être mises en place à l’heure actuelle. Les origines du mécénat remontent à l’Empire romain, notamment avec celui considéré comme le père de la pratique, lui ayant même laissé son nom, à savoir Mæcenas. Bien qu’ayant débuté à cette période, le mécénat connaît un développement particulièrement notable à la Renaissance, étant lié aux grandes familles gouvernant les cités italiennes, parmi lesquelles il faut bien sûr citer les Médicis. Une forme de mécénat qui est donc organisée par les puissants de la cité, profondément liée au pouvoir politique, mais aussi financier, s’agissant bien souvent de famille de banquiers. En Espagne, le développement des arts s’articule autour de deux grands types d’ordonnateurs, à savoir la couronne et l’Église, qui sont les acteurs passant commande aux artistes, participant ainsi à les soutenir. L’Allemagne connaît aussi le mécénat par le biais des personnes les plus influentes : princes, ducs, financiers… De même, en France, le rôle des souverains est absolument considérable, qu’il s’agisse de François Ier ou encore Louis XIV, avec la construction de Versailles, mais aussi des personnes proches du pouvoir, comme la marquise de Pompadour sous Louis XV. C’est donc une pratique intimement liée à la politique et à l’État.

Le mécénat des particuliers chez les anglo-saxons.

Au contraire, les pays anglo-saxons connaissent un développement très différent du mécénat. Au Royaume-Uni, il se déploie par le biais de grandes familles ou d’individus fortunés, l’État demeurant très concentré sur ses fonctions régaliennes, déléguant au secteur privé les initiatives relevant de l’art et de l’éducation. De même aux Etats-Unis, où les premiers mécènes sont de grandes fortunes, souvent fondées sur le principe du « self-made man », qui souhaite donc offrir à son tour à la société le juste retour de ce qu’elle lui a apporté. Un mécénat d’initiative privée, qui explique encore les tendances actuelles de la philanthropie dans ces pays.

Cela explique également le nombre et la nature des structures qui promeuvent le mécénat dans les différents pays dont il est question ici. Ces organisations privées sont assez nombreuses aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, tandis que leur nombre est plus modeste en Italie, en Espagne et en France.

Il s’agit maintenant de proposer un comparatif entre les différences actuelles existant dans les dispositifs fiscaux mis en place. Les politiques peuvent être différentes en fonction des particuliers et des entreprises. Le premier point à souligner est celui du choix de l’avantage fiscal octroyé. Il en existe plusieurs, dont deux qui s’appliquent ici : la déduction et la réduction. La déduction est une somme soustraite d’un revenu spécifique, à savoir ici les sommes imposables. La réduction est une somme soustraite du montant de l’impôt à payer. Les avantages fiscaux sont les suivants.

Particuliers

Avantage

Plafond

Allemagne

100% de déduction (proportionnel au taux d’imposition)

20% du revenu (possibilité de report)

Espagne

25 à 30% de réduction

10% du revenu imposable

Etats-Unis

100% de déduction

50% du revenu brut global

France

66% de réduction

20% du revenu imposable (possibilité de report)

Italie

19% de réduction

2% du revenu imposable (sauf protection du patrimoine)

Royaume-Uni

100% de déduction

Pas de plafond

Entreprises

Avantage

Plafond

Allemagne

100% de déduction

20% du résultat ou 0,4% du chiffre d’affaires (possibilité de report)

Espagne

35 à 40% de réduction

10% de l’assiette imposable (possibilité de report)

Etats-Unis

100% de déduction

10% du revenu imposable

France

60% de réduction

0,5% du chiffre d’affaires

Italie

65% de réduction (puis 50% en 2016)

15% du revenu imposable

Royaume-Uni

100% de déduction

Pas de plafond

En analysant les différentes modalités existantes dans les pays cités, plusieurs constats s’imposent. Tout d’abord, les pays qui semblent être les plus généreux, en offrant 100% de déduction ne sont pas ceux qui proposent la disposition la plus avantageuse. En effet, en étudiant la définition des avantages fiscaux, il apparaît que la somme déduite est moindre que dans le cas d’une réduction d’impôt. Il est difficile de donner un exemple précis pour les pays pratiquant la déduction, chacun utilisant un système fiscal propre. Néanmoins, le ministère de la Culture explique que cela correspond généralement à une réduction d’impôts se chiffrant à environ 50% de la somme donnée. Pour les pays proposant une réduction, un exemple peut-être pris. Pour une entreprise décidant de faire un don de 3 000€ à une association répondant aux critères d’éligibilité :

Espagne – 1 050 / 1 200 € de réduction
France – 1 800 € de réduction
Italie – 1 950 € de réduction (1 500€ après 2016)

La France possède donc le système le plus généreux pour les entreprises et les particuliers. Le cas de l’Italie est à nuancer : les 65% proposés aux entreprises dans le cadre de la nouvelle loi ne s’appliqueront que pendant deux ans, l’année 2016 marquant le retour à une réduction à hauteur de 50%. Une mesure probablement destinée à endiguer une baisse du mécénat dans tous les pays cités par rapport à la période d’avant-crise.

Les pays connaissant une forte tradition de mécénat individuel ont donc pris le parti d’encourager fortement ces pratiques, via un avantage offert à 100% du don. Cependant, s’agissant d’une déduction fiscale, l’attractivité de l’avantage est en fait similaire, voire inférieure à celle de l’avantage offert par les pays dans lesquels la tradition de mécénat privé est moins marquée. Ces derniers ont donc fait le choix, pour combler un « retard » par rapport aux pays anglo-saxons, de mettre en place une fiscalité très attractive afin d’encourager le développement du mécénat. La France est, dans ce domaine, le pays le plus généreux, Italie mise à part pendant deux ans, le système étant le plus avantageux de ceux ayant été comparés. Un système qui est parfois critiqué, pour son coût pour la personne publique : entre 2004 et 2014, il aurait été multiplié par sept, passant de 90 millions d’euros à 635 millions. Le coût serait cependant bien plus élevé si les pouvoirs publics devaient abonder à 100% de ce montant.

Pierre Joffre