Paris, championne européenne du mécénat ?

La France se tourne de plus en plus vers les initiatives privées pour financer ses politiques culturelles. Un processus qui bouscule les traditions d’un milieu fermé.

Paris, championne européenne du mécénat ?

Texte participatif sur le mécénat en tant que relais d’influence pour le rayonnement de la France.

La capitale française opère progressivement sa mue. Ses joyaux culturels, longtemps exclusivement gérés par les politiques étatistes, ouvrent de plus en plus leurs portes aux hommes d’affaires. Une montée en puissance du mécénat, sur fonds de désengagement public, qui fait de Paris une concurrente sérieuse de Londres et de Rome. De nombreuses personnalités participent activement à cette nouvelle orientation, de Michel Pébereau à Bernard Arnault, en passant par Christophe Mazurier ; le nouveau président de l’association du développement du mécénat industriel et commercial, Henri Loyrette peut être rassuré sur les forces vives de la ville Lumière.

Le changement dans la continuité : l’avènement du mécénat ?

A part les changements architecturaux, le déplacement du centre de gravité de Paris du triangle d’or (Montaigne, Champs Elysées, et Georges V) vers le quartier de la Défense s’inscrit malgré tout dans une certaine continuité. Le projet a certes été finalisé par François Mitterrand qui promettait déjà le changement, mais la grande Arche de la Défense se retrouve bien dans l’alignement de l’Arc de Triomphe marquant ainsi le prolongement de la puissance économique française dans le nouveau monde.
Dans cette nouvelle époque, la capitale diplomatique de l’Europe continentale a tout son rôle à jouer. Comme l’explique le politologue américain Joseph Nye, la séduction ou soft power fait partie des composantes essentielles du pouvoir, et Paris reste la ville de l’amour. Pourtant la situation économique a bien changé… Depuis le triangle d’or, où les grandes fortunes venaient s’installer pour profiter de la plus belle avenue du monde, on regarde avec une certaine inquiétude le déclin de l’Occident se profiler ! Pourtant les Franciliens n’ont pas abdiqué leur vocation à jouer un rôle à l’échelle de la planète. Si la diplomatie officielle montre ses limites à l’heure d’un monde multipolaire, la France dispose d’autres relais d’influence comme le mécénat qu’elle développe aujourd’hui. En somme, si le siège de la France au Conseil de Sécurité de l’ONU continue de représenter un attribut de la puissance de notre République, les élites de notre pays tentent désormais de contrebalancer l’hégémonie américaine dans la pratique du mécénat.

Paris et le mécénat, une mode au goût du jour ?

Lutetia, héritière de la tradition de l’Empire Romain et de Caius Cilnius Mæcenas, puis Paris ville centrale du pouvoir des Capétiens et chère au cœur de l’Orléanais François Ier, connaît une tradition ancestrale du mécénat… Et aujourd’hui, François Hollande tente de lui donner un nouveau sens en l’intégrant à la politique culturelle. Lors du départ du président du Louvre, Henri Loyrette, le chef de l’Etat expliquait que « la culture est un atout pour la France, une condition de son rayonnement » , avant de souligner le rôle majeur de « l’association du public et du privé » pour son succès… Pourtant, avertit le nouveau président de l’ADMICAL, les fonds alloués au mécénat culturel sont en nette diminution depuis 2012, passant de 494 millions à seulement 234 millions d’euros en 2014. Pour tenter d’enrayer cette tendance, de nombreuses personnalités se sont directement engagées pour le monde des arts. Ainsi, Michel Pébreau lorsqu’il dirigeait la BNP Parisbas avait notamment sollicité la collaboration de la déléguée générale de la Fondation Martine Tridde-Mazloum, devenue aujourd’hui la responsable du mécénat groupe elle souhaite rapprocher « des mondes éloignés les uns des autres » . De son côté, Christophe Mazurier (Crédit Mutuel) a enclenché depuis plusieurs années maintenant une collaboration avec le pianiste réputé mondialement Michel Dalberto. Dernièrement, c’est le grand patron Bernard Arnault qui a indiqué au JT de TF1 (23/06/2014) vouloir « rendre au public un peu de ce que les créateurs avaient apporté à son entreprise » . Pour cela il a décidé d’ouvrir la fondation d’Art Louis Vuitton, au mois d’octobre prochain à Paris. Dans le XVIème arrondissement, au centre du jardin d’Acclimatation, 11 700 m² seront entièrement consacrés à l’exposition d’œuvres d’art du XX et du XXIème siècle. Alors que le chef d’entreprise a souhaité s’impliquer personnellement dans le projet, la grande première sera consacrée au projet de Frank Gehry en parallèle de l’exposition du centre Pompidou le 24 octobre prochain…