Le mécénat, un outil de communication légitime?

Le problème de la communication est le nerf de la guerre dans les questionnements abordant le mécénat. En effet, il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un outil de communication, et ne devrait théoriquement pas être utilisé comme tel. Cependant, considérant que l’entreprise doit y trouver son compte, les pouvoirs publics tolèrent un certain « retour sur investissement » (25% du don), notamment en termes de communication. Les contreparties envisagées le sont bien souvent en termes de visibilité, et les arguments utilisés par les bénéficiaires du dispositif font fréquemment, pour ne pas dire systématiquement, appel à cet aspect du mécénat. D’où les inégalités créées entre des porteurs de projets de taille modeste et ceux de taille plus importante, offrant une visibilité à une échelle supérieure.

Communication institutionnelle et publicité

Le mécénat n’est toutefois pas de la publicité, et la communication que peut mettre en œuvre l’entreprise ne doit en aucun cas se rapprocher de cette pratique. Elle se situe en réalité dans le temps long de la communication institutionnelle et événementielle, là où la publicité et la communication produit s’analysent dans un temps plus court. Les retombées de la première sont difficilement mesurables, tandis que les secondes se chiffrent, se retrouvent dans les ventes de l’entreprise et se pensent en termes de retour sur investissement. Cependant, il est clair qu’en ce qui concerne les grandes entreprises pratiquant le mécénat, ce dernier a intégré leur « marketing mix », malgré les discours prônant le contraire et brandissant le désintérêt de l’entreprise dans son opération de mécénat. Les collaborateurs chargés du mécénat sont d’ailleurs la plupart du temps rattachés à la direction de la communication des entreprises concernées.

Cette communication peut s’analyser en tant que faire-valoir plutôt qu’en tant que faire-vendre, qui est le but de la publicité traditionnelle. Il s’agit ici, non pas de gagner des parts de marché sur les concurrents en vendant plus de tel ou tel produit grâce à une campagne réussie, mais d’accroitre le capital sympathie pour l’entreprise, d’améliorer l’image de la marque, de susciter l’intérêt des media et de faire du lobbying. Un jeu plus subtil que celui de la publicité, consistant finalement à faire parler de soi, sans trop en parler soi-même. En effet, il ne faut surtout pas pour une entreprise, que son geste apparemment désintéressé, passe pour une stratégie de communication pure, puisque cela aurait pour effet de détériorer son image, soit l’effet inverse de celui escompté.

Une communication subtile

L’entreprise doit en fait utiliser le mécénat comme une manière de créer une relation avec la société dans laquelle elle évolue, «cet acte foncièrement libre [permettant] d’établir, dans l’intérêt bien compris de l’entreprise, un dialogue nouveau avec la société civile ». L’objectif est donc plus flou, à plus long terme qu’une simple volonté d’augmenter les ventes. Il s’agit d’harmoniser ses relations avec les différentes parties prenantes, consommateurs, collaborateurs, pouvoirs publics… Mais en fonction du type de mécénat choisi par l’entreprise, le signal envoyé à la société civile est différent. Le mécénat financier sert la bonne réputation de l’entreprise, il sert à créer une notoriété, à associer l’image de l’entreprise à une action connotée positivement. Les mécénats en nature et de compétences à l’inverse, cherchent à faire passer un message concernant la production de l’entreprise, de manière plus directe. Il s’agit d’une sorte de mise en valeur des produits par un biais non publicitaire : la production de l’entreprise est un gage de qualité, elle démontre son savoir-faire en mettant à disposition ses produits ou ses collaborateurs.

La tolérance des pouvoirs publics quant à la communication est à préciser. Le mécène qui finance une exposition par exemple, obtiendra le droit à une présence sur les supports de communication de ladite exposition, dans une mesure limitée, à savoir un logo dont la taille ne doit pas dépasser une certaine proportion du support, l’ensemble des contreparties de visibilité ne devant pas excéder 25% du don. Mais les règles ne sont pas toujours clairement définies, et les contreparties peuvent être contestables dans la pratique.

Le mécénat des PME et TPE

Cet autre point de vue est à souligner ici, puisque les TPE et PME représentent déjà la majorité des mécènes, et sont probablement celles qui représentent actuellement l’avenir du mécénat. Ces entreprises attendent souvent, plus que les entreprises de taille plus importante, un réel retour sur investissement par rapport à leur stratégie de mécénat. En effet, elles n’ont pas nécessairement les moyens de mettre en place des campagnes de communication, d’acheter de l’espace ainsi que le font les plus grosses entreprises. En choisissant le mécénat, elles font le choix d’une autre forme de communication, qui leur revient probablement moins cher que la communication classique, mais dont elles attendent des effets similaires, notamment au niveau local. S’agissant d’une des grandes tendances actuelles du mécénat, il y a fort à parier que les retombées en termes communicationnels devront s’adapter, il faudra alors accepter que le don ne soit pas sans retour, mais qu’au contraire, il entre dans une stratégie plus générale pour l’entreprise qui le réalisera. Mais c’est alors une sorte de dévoiement du mécénat dans sa tradition initiale. Il pourra toutefois dans ce contexte être mieux accepté par ses détracteurs, puisqu’intégré à l’objectif premier de l’entreprise, à savoir la production.

Pierre Joffre


Sources

Seghers, Virginie, 2007, Ce qui motive les entreprises mécènes. Philanthropie, investissement, responsabilité sociale ? Editions Autrement, Paris.